samedi 9 août 2014

Khaled Djender ne me parlera plus !


Notre ami, et confrère, Khaled Djender, nous a quittés sans faire trop de bruit, comme à son habitude, celle de couper les ponts, et la parole, avec cette phrase lapidaire, qui a contribué à sa renommée : "je ne te parle plus!". Et il avait la dent dure, l'ami Djender, mon ami avec qui j'ai noué une amitié tumultueuse, et paradoxale, voici plus de quarante ans. Oui, je peux dire "mon ami", en parlant de Khaled, parce que nous avons été de vrais amis, même si cette amitié a connu des hauts, et des bas, de longues périodes de fâcherie, entrecoupées de réconciliations éphémères. C'est que ce n'était pas facile d'être son ami, le Djender, tant il était entier et exigeant. D'abord un postulat de base : pour que Khaled t'accepte comme ami, et commensal surtout, il fallait que tu sois, ou que tu deviennes, l'ennemi de son ennemi. Rigueur mathématique pour un homme qui ne savait pas calculer, ni compter au delà de six zéros (anciens), il méprisait l'argent qui le lui a bien rendu, mais quand il lui arrivait de l'apprivoiser, il le dépensait sans compter pour ceux qui avaient la chance de ne pas être exclus de son cercle d'amis-ennemis de ses ennemis. Il faut dire au passage qu'il ne s'est pas souvent trompé, en tous cas beaucoup moins que moi, en désignant à la vindicte certains de ceux qui ont jalonné notre parcours, et qu'on peut à nos âges qualifier d'anciens amis, sans risquer de distordre l'avenir. Certains ont pu dire de Khaled qu'il était rigide, feignant d'ignorer que s'il était ainsi c'est parce qu'il était droit, qu'il était altier même s'il n'est pas monté très haut. Khaled n'était pas très fort physiquement, et il n'avait pas la capacité de rebondir n'ayant jamais fréquenté de kangourous, mais il avait de l'orgueil, et un côté Don Quichotte qui m'a toujours séduit. Mais si par malheur, quelqu'un le contrariait, même très légèrement; la sentence tombait, sans appel : " alors, je ne te parle plus". Un jour que je raccompagnais chez lui (il habitait alors à la madrague), avec ma voiture, et le connaissant, je lui dis : Khaled, la route est longue d'Alger à la madrague. Un jour, tu me demanderas de te raccompagner, alors que je serai de mauvais poil, je te dirai non, et on se fâchera à nouveau. J'ai calculé approximativement qu"en l'espace de 15 ans, on a du rester fâchés au moins une dizaine d'années". Sur ces derniers mots, il est parti d'un grand éclat de guerre, et il est rentré. Moins d'un mois plus tard, alors que nous venions de finir une partie de scrabble acharnée chez un ami, le prévisible s'est produit. Ce n'est que cinq ou six ans plus tard que nous nous sommes reparlés, à l'occasion de mon passage à Addis Abéba, où il était correspondant. Inutile de préciser que les retrouvailles furent chaleureuses, et que nous avons agi, comme si on s'était quittés la veille seulement. Quand je suis rentré à Alger, je ramenais un seul scoop aux copains : "Djender et moi, on s'est reparlés". Nous n'en sommes pas restés là, au niveau fâcheries je veux dire, mais jamais je n'ai éprouvé autre chose que de l'affection, pour le plus intermittent et le plus attachant de mes amis. Et je suis sûr que la réciproque est vraie, et qu'il a souvent pensé comme moi que ce serait sympathique de se retrouver encore, ne serait-ce que que pour ce dernier plaisir, lui de le dire et moi de l'entendre : "alors, je ne te parle plus".

http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2014/08/09/article.php?sid=166915&cid=2

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