lundi 27 janvier 2014

Djamal Al-Bana, loin du jardin

Dans une Égypte en pleine ébullition, et encore sous la coupe des "Frères musulmans", sa disparition, le 30 janvier 2013, était quasiment passée inaperçue, et pour cause : Djamal Al-Bana était un adversaire acharné des idées du mouvement, fondé par son propre frère Hassan. Théologien à contre-courant, Djamal Al-Bana maniait d'une main vigoureuse le plumeau pour dépoussiérer les idées reçues. Audacieux jusqu'à la témérité parfois, il n'hésitait pas à affronter simultanément les caciques d'Al-Azhar, et les prêcheurs obscurantistes des chaînes satellitaires wahhabites. Il n'hésitait pas à donner un avis tranché sur des questions qui divisent encore et toujours la communauté des théologiens, comme le statut de la femme. Engagé très tôt dans l'action syndicale et politique, il refusera toujours de s'engager dans le mouvement des "Frères musulmans" aux côtés de son frère Hassan. Malgré ses divergences de vues avec lui, Djamal Al-Bana n'a jamais cessé de vouer un profond respect au frère aîné qu'il considérait comme son père. Et cet attachement fraternel, et quasi filial, ne s'est jamais démenti, en dépit du combat permanent que Djamal menait contre les pratiques sociales et politiques des "Frères musulmans". C'est un aspect de sa personnalité que met en avant le journaliste égyptien Sayyed Hourani, qui signe une biographie publiée en bonnes feuilles par le quotidien "Al-Misri-Alyoum" 

L'opposition entre Djamal Al-Bana et les "Frères" a connu son apogée avec la publication par le même quotidien, en novembre 2009, d'une série tirée "Des archives inconnues des Frères musulmans". Dans cette publication, Djamal racontait comment "l'organisation spéciale" du mouvement avait été créée, à l'origine pour lutter contre l'occupation britannique, et comment elle s'était transformée en instrument de liquidation des adversaires politiques. Question d'une brûlante actualité au moment où les "Frères musulmans" tentent de mobiliser les foules, tout en menant des actions terroristes. Avant cette publication qui a valu à son auteur une campagne de dénigrement, et de mise en quarantaine, le penseur a combattu pied à pied, et sur des décennies, les idées wahhabites propagées par le mouvement. Il opposait ainsi au slogan wahhabite proclamant que "l'Islam est une religion et un État", sa propre conception de "L'Islam, en tant que religion et nation". Cette divergence portait aussi sur l'interprétation de la Sunna, point essentiel de friction avec les gardiens de l'orthodoxie intransigeante.

Djamal Al-Bana était, en effet partisan de la référence au seul Coran, pour éviter les interprétations fallacieuses, et enclines à la violence des "Hadiths". Il avait publié plusieurs ouvrages dans ce sens, en recommandant, en particulier, d'expurger la somme des "Hadiths" de Mouslim et Boukhari, des textes ne constituant pas une obligation. Ce texte s'appuie sur un autre ouvrage, "Djinayet Qabilat Hadathana" (le délit de la tribu des rapporteurs) ou il critiquait la chaîne des rapporteurs de "Hadiths", toujours précédés de la mention "Hadathana" (il nous a été rapporté..). L'intellectuel est allé encore plus loin en ce qui concerne la place de la femme dans le monde musulman, avec son livre "La femme musulmane, libérée par le Coran et ligotée par les théologiens". À l'encontre du dogme établi en la matière, il professait que le voile n'était pas une obligation et qu'il avait été imposé uniquement aux épouses du Prophète. De là à proclamer que la femme a le droit de diriger la prière collective, si elle a les compétences requises, il n'y a qu'un pas que seul Djamal Al-Bana a osé franchir.

Quel que soit le jugement que l'on peut porter sur sa personne, et sur son œuvre, Djamal Al-Bana restera pour beaucoup l'homme qui a toujours refusé d'entrer dans le "Jardin aux fruits délicieux" que faisait miroiter son frère aîné pour l'amener à adhérer à son mouvement. L'homme qui ne s'est pas laissé griser par les sirènes du pouvoir, ou par l'appel lancinant, et enivrant du fauteuil. La "Maladie du fauteuil", qui peut se confondre aisément avec le "Fauteuil du malade", c'est le sujet que l'écrivain Ala Aswani propose à notre réflexion. La "Maladie du fauteuil", ou "Chairophilia", comme il le précise, et une maladie qui pousse l'homme à lutter pour un seul objectif : accéder au fauteuil. Concernant le cas particulier de l'Égypte, Aswani affirme qu'un égyptien sur trois est atteint de cette maladie, qui touche aussi 60% des gens qui participent aux débats télévisés, et contamine jusqu'à 95% des ministres. Pour ces derniers, il suffit, selon l'homme de lettres et chroniqueur, de rappeler que depuis 1952, le nombre de ministres ayant démissionné en Égypte, se compte sur les doigts des deux mains (une seule main en Algérie, je crois). L'écrivain note que cette "Maladie du fauteuil" semble prendre l'allure d'une épidémie, ces jours-ci, avec l'avalanche de louanges qui assaille le Général Sissi. Il relève la plus énorme affirmant que "Sissi est un don du ciel, comme l'Égypte n'en connaît qu'une fois par siècle". Pour détecter cette maladie, pratiquement incurable, Ala Aswani propose de soumettre les ministres, en place, ou candidats au poste, à un test, élaboré par un sociologue allemand, et que je propose ici aux intéressés : 

1)  Êtes-vous heureux par le simple fait que le président vous regarde et vous sourit? 
2) Si le président vous agonit d'injures, en présence de vos collègues, considérez-vous que c'est une distinction? 
3) Estimez-vous qu'il est de votre devoir d'exprimer votre admiration et votre soutien à toutes les décisions de votre président même si elles vont à l'encontre de vos idées? 
4) Lors du conseil des ministres, si le président vous demande de lui ramener le cendrier qui est près de vous, au lieu de s'adresser au préposé habituel, obtempérez-vous sur le champ, et êtes-vous heureux de le faire? 
5) Si le président te jette un regard morose, ressentez-vous de la peur, et soupçonnez-vous un collègue de complot. Faites-vous encore plus d'effort pour flatter le président et lui rendre le sourire? 
6) Si le président parle d'un sujet dont vous êtes le spécialiste et qu'il commet une erreur, gardez-vous le silence estimant qu'il est peu seyant de faire remarquer au président qu'il s'est trompé? 
7) Considérez-vous que la perte de votre ministère est la pire chose qui puisse vous arriver? 
8)  Êtes-vous plus heureux lorsque les gens vous appellent "Monsieur le Ministre", que s'ils vous appellent par vos titres scientifiques?
 9) Considérez-vous que tous les opposants aux politiques du président comme des mercenaires à la solde de l'étranger, comme des cellules terroristes dormantes, une cinquième colonne, ou encore comme des ignorants, des attardés et des idiots? 
10) Si les décisions du président aboutissent à l'arrestation ou au meurtre de citoyens innocents, ou à la violation d'un quelconque droit humain, estimez-vous qu'il s'agit de dépassements isolés, et êtes-vous capable de mentir pour dissimuler les crimes du président?

Avec moins de trois réponses positives, le ministre ou le ministrable est indemne de cette maladie. Entre trois et cinq réponses par oui, il est susceptible d'être atteint. Enfin, s'il y a entre six et dix réponses positives, c'est qu'il est profondément atteint. Voilà un test qu'aurait rejeté Djamal Al-Bana, mais qui peut se révéler passionnant, pour d'aucuns, en prévision des présidentielles d'avril prochain!

A.H.

samedi 25 janvier 2014

Quand Fella trébuche sur Bilal


Fella Ababsa
Prenez garde aux censeurs, et aux sentinelles de la foi qui veulent vous la faire partager par la contrainte ! Chaque jour, dans nos sociétés alitées, avec des vigiles ombrageux en guise de garde-malade, il y a de nouveaux codes qui apparaissent, et des croyants qui s'en saisissent comme juge et partie. Tenez : on nous raconte depuis nos premières frayeurs enfantines qu'au tribunal suprême, celui du jugement dernier, nous serons comptables de nos prénoms. Ainsi, ceux d'entre nous que leurs parents ont prénommés Ali ou Omar, sans penser aux conséquences, seront questionnés : "pourquoi vous n'avez pas eu le même comportement que celui dont vous portez le prénom?". C'est dans ces moments-là que les Omar et les Ali devraient déplorer le choix de leurs parents, et sentir les flammes leur lécher la pointe des pieds. Je sens déjà la terreur qui s'est emparée des Moussa, des Aïssa, et des Mohamed (je fais partie du lot), à l'évocation de cette question qui porte sa propre sentence. Quant à ceux qui sont en prise directe avec Dieu, sans l'intercession de ses prophètes, comme les Abdelkrim, ou les Abdelaziz, je n'ose imaginer leur sort. Tout ceci relève de la pure spéculation, bien sûr, mais stimulée, certes, par la tentation de partager des fardeaux trop lourds, comme la peur de ce qui vient, après.
Comme on en est encore loin, concentrons-nous sur la peur actuelle, bien présente, que font peser sur la communauté du juste milieu les nouveaux apôtres qui scrutent la toile et les écrans, en attendant que le ciel leur parle. Il y a quelques jours, ces braconniers de la foi ont  débusqué une victime de poids, si j'ose dire, en la personne de Fella Ababsa, notre chanteuse nationale. Mardi dernier, le quotidien "Al-Chourouk", spécialiste du genre, annonçait en page une, et en rouge vif : "Fella Ababsa accusée de porter atteinte à l'auguste Compagnon Bilal Ibn-Rebah". En plus petit, et en surtitre noir comme il se doit, on pouvait lire que Fella "s'en remettait à Dieu du soin de juger ceux qui avaient mal interprété ses déclarations". Comme en ce genre de situation, la montagne accouche souvent d'une souris, l'article annoncé est casé en dernière page, entre la caricature du jour, et les déclarations d'un "D1ouktour" perdu de vue. Pour rester dans le sujet, l'article est signé d'un prénom, et de l'initiale du nom de son auteur, et il est question d'un procès fait par des internautes à Fella Ababsa, pour des propos offensants à l'égard de Bilal, le premier muezzin de l'Islam. L'accusation est basée sur une vidéo, reprenant les propos de la chanteuse sur le plateau de la chaîne libanaise LBC (1), et devant l'animateur algérien, qui se nomme par un curieux hasard Bilal Larabi. Fait remarquable, encore, et quasi habituel dirait-on, cette interview date de plus de quatre mois, d'où le manque de spontanéité de ces indignations à retardement.
Selon les "exégètes" de cet entretien, Fella aurait brodé sur le prénom de l'animateur, Bilal, qualifié de "Beau gosse", par opposition au "Bilal entaa bekri" (le Bilal d'antan) qualifié lui de "Kahlouche" (noir)(2). Il n'en fallait pas plus pour déclencher la colère des piétistes qui veillent l'arme au pied sur l'intégrité et la renommée des grandes figures religieuses. Bien évidemment, Fella a rejeté ces accusations basées sur une interprétation erronée et tendancieuse de ses propos. "En réalité, a-t-elle expliqué, je connais Bilal Larabi depuis les années quatre-vingt-dix lorsqu'il était présentateur à la MBC, à Londres. Nous avions l'habitude de nous rencontrer dans un café du centre-ville où travaillait un serveur nommé Bilal. C'est à ce garçon de café que je faisais allusion, sans plus". De Beyrouth, l'animateur algérien Bilal Larabi a confirmé au quotidien les explications de Fella Ababsa, soulignant qu'il n'a jamais été question du célèbre Bilal, l'un des premiers convertis à l'Islam. Il a ajouté qu'il ne comprenait pas comment "l'imagination débordante et maladive de certains" pouvait susciter "de tels montages pétris de mauvaises intentions". Elle me parait un peu scabreuse, cette histoire, mais de là à faire trébucher Fella...
Toutefois, toutes ces explications sont balayées d'un revers de main à la fin de l'article où il est question de la "réaction énergique" d'un "Cheikh" algérien, Abdelfattah Hamadache. Il semblerait que ce brave homme de dieu soit convaincu de la culpabilité de Fella, puisqu'il appelle tous les Algériens à boycotter la chanteuse. En prime, il demande aux autorités algériennes d'engager des poursuites contre Fella Ababsa pour se offenses envers le Bilal historique. Comme quoi, lorsque la foi est chevillée à la bêtise, il faut craindre le pire. Attendez, ce n'est pas tout, il y a un autre Bilal qui pointe déjà à l'horizon turc, puisqu'il s'agit du propre fils de Tayyip Erdogan, le premier ministre, dont le gouvernement est au centre d'un scandale politico-financier. En attendant l'ultime interrogatoire sur son prénom, Bilal, le fils aîné d'Erdogan, devait être jugé sur l'affaire de corruption, et de trafic d'influence, qui éclabousse le parti islamiste au pouvoir. Selon la presse, Bilal aurait figuré dans une liste de 30 hommes d'affaires dont le procureur aurait requis, mais en vain, l'arrestation. Vendredi dernier, Erdogan a formellement démenti que l'un de ses fils soit impliqué dans un scandale quelconque. Un démenti qui a de très fortes chances d'être pris au pied de la lettre par la vigie islamiste, contrairement à celui de Fella Ababsa, qui s'égosille en vain, tant qu'elle ne sera pas du même bord. Alors, réfléchissez bien avant de coller publiquement un qualificatif péjoratif, ou injurieux, à un prénom puisé du patrimoine religieux! Les murs n'ont peut-être pas d'oreilles, mais ils ont des micros, comme vient de me le rappeler mon muezzin.      

A.H.


1) La LBC ( Lebanese Broadcasting Corporation) a été créée par Samir Geagea, durant la guerre civile libanaise, pour appuyer le combat des "Forces libanaises", parti et milice de la communauté chrétienne. De machine de guerre, la LBC a progressivement mué en télévision généraliste, s'inspirant des modèles européens, et français, en particulier. Malgré l'acquisition d'une partie de son capital par le prince saoudien Walid Ibn-Talal, la chaîne continue à être dirigée par un encadrement majoritairement chrétien. Il sait faire la part des choses, ce prince.
2) Kahlouche : terme affectueux par lequel les Algériens qui ne sont pas, le moins du monde racistes, désignent leurs concitoyens, et autres, à la peau noire.

L'interdiction en prélude à l'annexion

L'interdiction en prélude à l'annexion





Vous connaissez tous certainement l'histoire, vraie ou
inventée, de la maîtresse d'école (fondamentale) qui a demandé
à ses élèves de ramener des bouchons de liège pour des travaux pratiques. Illustration du succès absolu des programmes scolaires mis en place, seule une poignée d'élèves avait réussi à ramener le précieux objet. Ce n'était bien sûr qu'une ruse, «halal», de l'enseignante finaude (et fondamentaliste ?) pour savoir si les parents de ses élèves buvaient du vin ou non. Comme la ruse est toujours de rigueur, l'histoire suggère que des parents, aussi matois que buveurs, se sont abstenus de tomber dans le traquenard tendu par la maîtresse roublarde. Ce qui est remarquable aussi, c'est qu'une fois extirpés de la bouteille, les bouchons deviennent un mystère. J'entends par là qu'ils ne suivent pas la filière habituelle des déchets ménagers, du genre sacs-poubelle éventrés, après un lancer brutal, des étages supérieurs d'un immeuble. Cherchez où vous voudrez, sur le capot de votre voiture, dans la cage d'escalier, voire dans les caniveaux surchargés, vous ne trouverez pas l'ombre d'un bouchon de liège. Pourtant, des quincaillers continuent de vendre des tire-bouchons, même s'ils admettent que ce n'est plus le commerce d'antan. Il y a aussi des quincaillers, aussi susceptibles que religieusement engagés, auxquels il ne faut pas réclamer cet ustensile, si vous ne le voyez pas sur l'étalage.

Et surtout, n'allez pas croire que les crises de désarroi profond, causées par l'infâme tirebouchon, sont l'apanage de ce seul pays. Ceux qui vivaient par et pour le liège devront changer leurs manières de vivre et leurs habitudes alimentaires, comme le promettait jadis un célèbre prêcheur. L'éradication du tire-bouchon n'est plus un pléonasme dans nos contrées, où la foi brutale nous impose de prendre de la bouteille, mais de ne jamais en boire. A force de reculades et de soumissions en chaîne, nous avons fini par nous persuader que nous obéissions à notre propre volonté. Ceux qui brûlaient nos mausolées(1), brisaient nos pierres tombales pour casser notre résistance, étaient eux-mêmes convaincus qu'une volonté supérieure les animait. Il aurait fallu juste qu'ils s'arrêtent un moment pour se demander pourquoi la volonté d'Allah devait obligatoirement transiter par les relais saoudiens ou qataris, mais… ceux qui proclament encore, contre toute évidence, que l'Islam n'a pas de clergé devraient mieux ouvrir leurs yeux. Ils verraient, non pas un clergé, mais une «sainte inquisition » brandissant le drapeau saoudien d'une main, et les pétrodollars qataris de l'autre. Sinon, comment expliquer que des «printemps arabes», supposés nous mener vers la démocratie, donnent systématiquement naissance à des embryons de dictatures islamistes.
 Ce qui nous amène à cet autre Etat théocratique, l'Iran, objet de notre admiration parce qu'il résiste aux Américains (ce qui reste à prouver), et cible de nos haines populaires pour cause de chiisme( 2). Avant de représenter une menace pour le monde, avec sa future bombe atomique, l'Iran constitue un danger certain et immédiat avec le Hezbollah, son arme fatale, fatale pour le Liban, bien entendu. D'abord, il y a cette prétention du Hezbollah à imposer des interdits, comme la consommation et la vente de vins et spiritueux. Au début de ce mois, le dernier commerce qui activait encore au Sud-Liban a été dynamité à l'aube, sans que l'on sache qui est derrière cet acte. En réalité, note Pierre Akl, dans le magazine Transparency, c'est le Hezbollah qui veut contrôler le commerce des alcools, tout comme il contrôle déjà celui du «Keptagon» (une amphétamine du genre qui est connue chez nous sous le nom de «Madame Courage»). Il imite en cela, précise-t-il, les «gardiens de la révolution» iranienne qui interdisent le commerce de l'alcool aux autres, tout en le pratiquant eux-mêmes. Ainsi, tout le monde sait que sur un simple coup de fil à Téhéran, vous pouvez vous faire livrer, à domicile, n'importe quel alcool.

L'auteur rappelle que le Liban n'est pas une République islamique, mais un Etat laïque, au sein duquel cohabitent des citoyens de confessions diverses. Il rappelle que le vin, notamment, fait partie des rituels et des sacrements chrétiens(3). «Le Hezbollah a-t-il donc la prétention de réformer cette religion ?», s'interroge-t-il. «Dans le cas où le Hezbolah voudrait imposer la loi iranienne au Sud-Liban, pourquoi ne demande-t-il pas aux habitants de la région de quitter la nation libanaise, et de se proclamer wilaya de l'Iran ?», suggère Pierre Akl.
 L'interdiction précédant de peu l'annexion, notre confrère ne croyait pas si bien dire : Téhéran a émis la semaine dernière un timbre représentant une carte du Liban, avec les armoiries du Hezbollah, en hommage au mouvement chiite. «C'est un précédent historique, note encore Pierre Akl, pour la première fois un Etat émet un timbre en hommage à un terroriste. Pour la première fois, un Etat édite un timbre qui proclame l'annexion d'un autre Etat distant de 2 000 km sans en référer au peuple de cet Etat. Le Liban serait-il devenu, à notre insu, le 32e Assitan (gouvernorat) de l'Iran?» Le chroniqueur aurait pu aussi ajouter : sans soulever la moindre protestation de ceux qui mènent campagne contre le chiisme, lui attribuant même des faits antérieurs à l'avènement du rite, né de la «Grande Fitna»(4). Mais tant que l'Iran ne touche pas à La Mecque et/ou aux puits de pétrole… 

A. H.


(1) Samedi 12 janvier, les Tunisiens qui «ne sont pas comme nous», ont vu leurs «islamistes modérés», selon Marzouki, incendier le mausolée de Sidi Boussaïd, l'un des grands sanctuaires religieux de Tunisie. Bien entendu, l'Islam wahhabite n'y est pour rien.
(2) En fait, ce ne sont pas quelques cellules chiites activant dans les quartiers populaires qui sont la cause des invectives et des excommunications. Il s'agit simplement d'une campagne fidèlement exécutée par les antennes locales du wahhabisme, la doctrine inculquée à notre jeunesse dès ses premières classes d'école.
(3) Il me faut signaler ce fait : samedi dernier, s'est tenu à l'Institut du monde arabe à Paris un colloque sur les chrétiens de la Méditerranée et la citoyenneté. Je m'étais inscrit par email pour «couvrir» cette manifestation, mais j'ai eu la désagréable surprise d'apprendre, la veille, que j'étais sur la «liste d'attente». Mauvaise gestion de la communication, ou attitude sectaire ? Je préfère m'en tenir à la première hypothèse, sachant que les chrétiens des pays arabes ont plus que jamais besoin de soutiens.
(4) Pour ceux qui croient encore aux sornettes en vigueur, je suggère de se replonger dans la lecture de Ibn Qoteiba, Tabari, et surtout un livre plus récent que n'aiment pas les fondamentalistes : Aïcha et la politique de Saïd Al-Afghani. A télécharger si vous ne les trouvez pas, ce qui est presque certain, en librairie.