lundi 25 février 2013

Un faussaire du FLN, rien à voir avec ceux d'aujourd'hui




Le faussaire des réseaux Jeanson


 Demandez lui l'impossible, et il vous répondra qu'il peut le faire. C'est ce qu'aurait pu dire Jeanson lorsqu'il lui avait demandé deux passeports suisses, réputés inimitables, juste pour le mettre à l'épreuve. Deux jours après, les deux documents étaient entre ses mains. Adolfo Kaminsky, ce faussaire de génie, a même fabriqué de la fausse monnaie, pour la cause. Son parcours atypique mérite d'être raconté.
   
 Tous les Algériens épris de leur histoire, ou un tant soi peu férus de la matière, ont lu ou entendu quelque chose sur le fameux "Réseau Jeanson ", ou réseau des " Porteurs de valises " du FLN. Lors du procès retentissant de ce réseau, on a connu les principaux animateurs, mais beaucoup sont restés dans l'ombre. A fortiori, lorsqu'il s'agissait de ceux pour qui les règles de la clandestinité s'appliquaient de façon plus rigide encore. Adolfo Kaminsky était de ceux-là, et son métier exigeait de rester encore plus dans l'obscurité où il passait l'essentiel de son temps, celle des chambres noires en l'occurrence. C'est là que ce photographe doué s'adonnait au plus noble des métiers, en période de lutte révolutionnaire : celui de faussaire. Certains membres du réseau Jeanson sont sortis de l'ombre, notamment lorsqu'ils furent arrêtés et jugés, mais Adolfo Kaminsky a continué, avec d'autres, sans jamais apparaître au grand jour. C'est ainsi qu'il poursuivra ses activités, non seulement au service de la révolution algérienne, mais aussi pour toutes les autres causes qu'il estimait être justes.
Aux âmes bien nées la valeur n'attend pas le nombre des années, puisqu'il a dix-sept ans à peine, lorsqu'il débute sa carrière de faussaire. On était dans la France occupée par les nazis, et il s'agissait de sauver le maximum de résistants, et de juifs, de la déportation et de la mort. C'est ainsi qu'il a contribué à sauver des milliers de personnes, en majorité des enfants, grâce à sa fabrique de faux papiers. Il travaillait sans relâche, en ayant en tête que chaque fausse pièce d'identité fabriquée était une vie sauvée, et pour cela, il devait rester éveillé le plus longtemps possible, avoir en tête cette arithmétique mortelle. "Le calcul est simple, se disait-il, en une heure, je fabrique trente faux papiers. Si je dors une heure, trente personnes mourront". L'Allemagne vaincue, Adolfo Kaminsky aurait pu se reposer sur ses lauriers, revendiquer son rôle dans la résistance, et jouir de la reconnaissance, et de l'estime d'après guerre. Il aurait pu oublier le 8 mai 1945, le colonialisme hideux encore présent, et se dire qu'il en avait assez fait pour la durée d'une existence comme la sienne.
C'était oublier que ce petit fils d'un immigrant russe qui avait fui la persécution tsariste, et qui était bolchévik dans l'âme, était toujours habité par la même flamme. Et comme il voulait être de tous les combats pour la liberté, là où il fallait les mener, il a prolongé son engagement de faussaire, comme d'autres auraient rempilé dans un corps d'armée. Durant près de trois décennies, il va améliorer et affiner la technique mise en pratique pour les passeports, et autres sauf-conduits nazis, au bénéfice des "damnés de la terre". Il va ainsi prendre part à la lutte pour l'indépendance de l'Algérie, et une fois celle-ci acquise s'engager dans d'autres combats tout aussi nobles, comme celui des révolutionnaires d'Amérique latine.

                                              
Réseau Jeanson et fausse monnaie

C'est lors de son premier voyage en Algérie, en 1953, qu'Adolfo Kaminsky touche réellement du doigt le caractère exploiteur et raciste de la colonisation. Et il ne sera pas étonné lors du déclenchement du 1er novembre 1954, pas plus qu'il n'est dupe de la propagande sur les "opérations de maintien de l'ordre". Il fréquente alors les milieux intellectuels de gauche opposés à la guerre d'Algérie, parmi lesquels Georges Arnaud (1), et il a avait lu les textes de Francis Jeanson dans la revue "Les Temps modernes". 

Cependant, il était loin de se douter que cet intellectuel engagé par ses écrits, s'adonnait aussi à d'autres activités…moins intellectuelles. Ce n'est qu'en 1957, qu'une amie, Annette Roger, médecin à Marseille, le met en contact direct avec le chef du réseau (voir encadré "Première rencontre"). A partir de là, Adolfo Kaminsky enchaînera la fabrication de faux papiers, l'organisation des filières clandestines, et le transport d'armes pour le compte de la fédération de France du FLN. Comme il le dit, non sans humour, il est passé d'un travail à mi-temps pour le FLN à un travail à temps complet, mais non rétribué. D'où son recours au mont de piété où il dépose des appareils photos en gage pour avoir de l'argent frais. "Avant j'organisais mon temps à cinquante-cinquante. Les commandes de photographies, facturées, me permettaient de produire celles, gratuites, de faux papiers pour le FLN. Aujourd'hui, c'est presque à cent pour cent pour le FLN que je travaille, ma caisse est vide et les dettes s'accumulent", constate-t-il alors avec humour. Un humour jamais démenti, qu'on en juge : "J’ai fait de faux billets de 100 francs au moment de la guerre d’Algérie dans le but de déstabiliser l’Etat en l’inondant de fausse monnaie. A peine mon travail terminé, les accords d’Evian étaient signés. Il m’a fallu un mois pour les brûler".
                                                           Retour en Algérie
Après l'indépendance de l'Algérie, d'autres fronts l'appellent, il y a encore le colonialisme, l'apartheid en Afrique australe, les dictatures d'Amérique latine, sans oublier celle de Franco, dans l'Espagne voisine. Mais en 1971, alors qu'il travaillait avec l'ANC de Nelson Mandéla, tous ses signaux d'alerte, mis en place durant les décennies de clandestinité, se déclenchent. Depuis quelques temps trop de demandes de passeports sud-africains lui parviennent en même temps, et dont il suspecte l'origine. Il se demande si les services sud-africains, très présents en Europe, ne l'ont pas repéré, et ne s'apprêtent pas à mettre fin de façon irrévocable à ses activités. Il n'attend pas d'avoir la confirmation de ses soupçons, et il s'envole pour l'Algérie afin de s'y mettre au vert, comme on dit dans les milieux du renseignement. Au départ, il pensait rester seulement une année, le temps de se faire oublier, ou de se refaire une nouvelle identité. Sa seconde patrie reconnaissante lui délivrera le titre de "Moudjahid", et le décorera pour sa contribution à la lutte d'indépendance.
La "mise au vert" en Algérie durera finalement dix ans, et Adolfo qui était parti en Algérie seul, et quasiment sans bagages, en partira en 1981, avec une famille. Durant son séjour, il avait rencontré Leïla, une jeune algérienne, qu'il avait épousée et dont il avait eu trois enfants. "C'était comme si, à l'âge de cinquante ans j'avais droit à une seconde chance. Une vie bonus". C'est la plus jeune, Sarah, comédienne et scénariste, qui nous a conviés, ce mois de février, à une visite commentée de la première exposition de son photographe de père. Sarah l'a incité à raconter sa vie de faussaire, et lui a prêté sa plume pour la rédaction d'un livre-témoignage, publié en 2009, mais qui n'a pas eu le retentissement mérité. Consciente que son père avait délibérément sacrifié sa carrière de photographe à son sacerdoce de faussaire des causes justes, Sarah Kaminsky a entrepris de le faire connaître sous ses deux facettes.
Quant à l'exposition proprement dite, elle s'est articulée sur deux volets, l'ombre et la lumière, l'ombre représentée par une salle représentant une chambre noire, avec autour des murs blancs où sont accrochées des photos d'art. Dans la chambre noire sont exposés bien-sûr les modèles de faux papiers. On y retrouve ceux "délivrés" au fugitif Francis Jeanson, ainsi qu'à Hélène Cuénat, l'une des évadées de la prison de La Roquette (3). Autour de la "chambre noire", on retrouve enfin des photos réalisées par le photographe, soigneusement enfermées dans des boites à chaussures mais jamais tirées. Adolfo Kaminsky est sans doute passé à côté d'une grande carrière de photographe, mais il doit savoir au fond de lui-même qu'aucune carrière, aussi brillante qu'elle soit, ne peut soutenir la comparaison avec une vie comme la sienne. Une vie que toute une frange de l'humanité aurait aimé vivre.
S.A.
(1) Georges Arnaud, écrivain et journaliste. Il est signataire en 1957, avec Jacques Vergès, du manifeste "Pour Djamila Bouhired". De 1962 à 1974, il s'installe avec sa femme et ses enfants en Algérie, et où travaille comme journaliste à l'hebdomadaire "Révolution africaine" et à l'agence APS. Plus connu comme l'auteur du roman "Le salaire de la peur", inspiré de sa vie aventureuse en Amérique latine. Il est mort en 1987 à Barcelone.
(2) Le 25 février 1961, Hélène Cuénat s'est évadée de la prison de la Roquette, en compagnie de deux autres membres du réseau Jeanson, Evelyne Prouteau et Jacqueline Carré, ainsi que trois autres militantes Zina Haraigue, Fatima Hamoud, et Didar Fawzi.

Première rencontre
En 1957, Adolfo Kaminsky devait rejoindre et épouser Sarah Elizabeth aux Etats-Unis, où l'attendait aussi un emploi, mais sa rencontre avec Jeanson allait changer le cours de sa vie :
"Francis Jeanson, dit "le professeur", je le connaissais déjà de nom. Autour de moi, dans les milieux intellectuels de gauche, quiconque se préoccupait de la cause algérienne avait lu ou entendu parler du livre qu'il avait coécrit avec sa femme, "L'Algérie hors-la-loi". Et puis, j'étais lecteur, à mes heures, des "Temps modernes", la revue philosophique de Jean-Paul Sartre, et je savais qu'il en avait été le rédacteur en chef. J'avais ouï dire aussi qu'il était fâché avec Camus pour avoir fait une critique peu élogieuse de son livre. Personnellement, je n'avais rien à redire sur la qualité littéraire du livre de Camus, cependant je m'étais moi aussi disputé avec lui, quelques années plus tôt, au cours d'une conversation enflammée sur l'Algérie où je lui reprochai sa tiédeur. J'étais assez pressé de mettre un visage sur son nom. Le rendez-vous eut lieu dans l'appartement de Marcelline, au quartier latin. Alors que je pénétrais dans le salon où Francis m'attendait, j'eus la surprise de le reconnaître. Quelques années auparavant, je me trouvais chez la veuve de Romain Rolland où je reproduisais des photos d'archives pour l'édition d'un ouvrage sur la vie de son mari, quand elle avait reçu la visite d'un journaliste plutôt timide qui souhaitait l'interviewer. C'était Francis Jeanson. Désormais, Francis n'avait plus rien d'un timide. Au contraire, il affichait une détermination et une énergie saisissantes(…) Il m'a demandé si j'étais d'accord pour intégrer le réseau.
–Bien sûr, ai-je répondu.
–Oui, mais intégrer vraiment, a-t-il insisté.
–Vraiment, comment?
 – A plein temps. Faire de l'imprimerie. Pouvoir répondre dans l'urgence. Beaucoup de papiers de nationalités différentes. Et le fameux passeport suisse, l'infalsifiable…
Francis s'est alors lancé dans une énumération interminable des besoins en faux papiers pour le réseau…Jamais je n'aurais imaginé que la demande serait si importante. La voix de Francis me parvenait comme un brouhaha assourdi, tandis que mes pensées allaient à Sarah Elizabeth, qui m'attendait aux Etats-Unis…".
Extrait du livre "Adolfo Kaminsky, une vie de faussaire", par Sarah Kaminsky (Editions Calmann-Lévy).

Paru dans "El-Moudjahid" du 24/02/2013

A mes amis et lecteurs

J'ai créé un blog, il y a très longtemps, juste aux premiers de mes balbutiements sur Internet, avec "Dream Weaver". J'ai mis dans ce premier blog quelques textes de ma composition, destinés à étancher ma soif de revanche, et à me défouler sur ceux que j'estimais être les principaux responsables de mes déboires professionnels, et sociaux. Au fil des mois, je me suis aperçu que les types que je traitais de salauds, d'hypocrites, de vendus, et j'en passe, bénéficiaient de promotions, en proportion de la noirceur de leurs actions. Au lieu de mettre en difficulté mes cibles, je contribuais donc à la réussite de leurs carrières, voire à leur bonheur. Or, tel n'était pas mon but, et je n'avais pas vocation à être à l'intérieur du corbillard, mais bien loin derrière. Bref, en attendant que chacun ait son du, voici un nouveau blog, où vous pourrez retrouver ce que j'ai publié, ou que d'autres ont publié, dans la presse. En vous souhaitant fidèles.

Kiosque arabe : Le message des coupeurs de têtes



Kiosque arabe
Le message des coupeurs de têtes

À Katia Bengana qui ne participera pas à la célébration de la nationalisation des hydrocarbures, parce que les preneurs d'otages d'In-Aménas l'ont assassinée le 24 février 1994.

Ahmed HALLI
Le poète syrien Adonis a des raisons d'être furieux et inquiet, ces jours-ci, au spectacle des évènements qui se déroulent dans son pays. Il y a de quoi se demander, en effet, si dans leur ardent désir de se débarrasser de Béchar, les opposants syriens ne préparent pas une autre dictature, plus sanglante. Autrement dit, les Syriens ne seraient-ils pas en train de se jeter dans les bras de Scylla, en voulant éviter Charybde (1)? Des raisons d'être en colère : le comportement des soi-disant révolutionnaires qui se révèlent aussi sanguinaires, sinon plus, que le régime qu'ils combattent. En même temps qu'ils assassinent, et imposent leur loi, qu'ils présentent comme celle de l'Islam, ces nouveaux terroristes annoncent de quoi sera fait l'avenir. Au début de ce mois, ceux qui se voient déjà comme les futurs maîtres du pays ont procédé à leur première décapitation rituelle et symbolique, sur la statue en buste du poète, et philosophe "Al-Maari".  Cette statue a été érigée en l'honneur d'Abou Al'ala Al-Maari, dans sa ville natale, qui lui a donné son nom, Maara, ou "Maarat-Al-Nooman". Le petit monument, bien modeste eu égard à la stature du poète, a été inauguré en 1944, en présence du gotha de la littérature arabe de l'époque.
Réagissant à cette profanation, Adonis a déploré que les intellectuels syriens qui sont dans l'opposition, ou dans la rébellion armée n'aient pas réagi à une telle action. "On a coupé la tête à l'intelligence, à la liberté, et à la démocratie. Et leur silence signifie qu'ils ont peur ou qu'ils approuvent, et cette attitude, quelle qu'elle soit est celle du pire", a-t-il dit.  Adonis a regretté que la "révolution" syrienne s'accompagne de violences et de destructions. "La révolution ne se laisse pas aller à de tels actes, a-t-il affirmé, et les réponses violentes à la violence du pouvoir ne sont pas justifiables". Le poète a critiqué, aussi, l'absence de projet de société clair chez les dirigeants de la rébellion, qui ne sont pas encore prononcés sur la nature de l'État qu'ils veulent mettre en place. "Nous ne pouvons pas établir la même loi pour tous si nous ne séparons pas la religion de l'État, nous voulons la liberté, notamment pour les femmes, a-t-il encore affirmé. Si j'étais en Tunisie,  je serais dans les rangs des militants comme Choukri  Belaïd, pour la société civile et la laïcité". Quant aux émules de l'autruche, ils vont encore minimiser l'incident, et ignorer le message qu'il contient avec cet argument de toujours : qu'est-ce qu’un buste décapité au regard des dizaines de Syriens qui meurent chaque jour sous les bombardements? 
Hasard, ou action concertée, le buste de Taha Hussein a disparu, durant ce même mois de février, de la place qui porte son nom à Minieh, sa ville natale. Un autre détail que rapporte le poète égyptien Hassan Tewfik sur son blog : Tah Hussein avait participé à l'inauguration de la statue dédiée à Al-Maari, et avait apporté sa contribution financière. Quant à son impopularité dans les milieux islamistes, elle est aussi présente (2), quarante ans après sa mort, que celle de Naguib Mahfouz, ou de Nasser. Si les coupeurs de têtes syriens ont pu décapiter le pète "Al-Maari", sans soulever beaucoup d'émoi, la disparition du buste du doyen de la littérature n'a pas suscité l'indifférence. D'ores et déjà, des associations culturelles ont lancé une souscription pour la réalisation d'une statue grandeur nature de Taha Hussein, en lieu et place du buste disparu. Dans la même semaine, enfin, des "inconnus" ont recouvert d'un "niqab", la statue de la diva Oum-Kalsoum, dans sa ville d'Al-Mansourah, là encore un message clair et signé. Parmi les injonctions des islamistes à la "nouvelle société égyptienne", figure en bonne place celle de ne plus écouter ses chansons. Comme, il ne s'agit pas d'un crime contre la personne, les auteurs de l'acte ont pris soin de prendre des photos, et de les faire circuler sur les sites islamistes, comme s'il s'agissait d'une bonne plaisanterie.
Comparés à la destruction des bouddhas de Banian, en Afghanistan, des mausolées du Mali, et de Tunisie, les faits cités peuvent paraître anodins, mais ils contiennent un avertissement sans équivoque : gardez-vous d'écouter les poètes, les chanteurs, et d'entretenir le souvenir de vos morts ! Gardez-vous, surtout de pratiquer une autre religion que celle de vos parents, de nos parents, pour être plus exacts ! Ça ne vous interpelle pas cette affaire d'évangélistes en Libye ? Quatre prêcheurs, d'origine hétéroclite et diverse, qui sont arrêtés et accusés d'espionnage, sous prétexte qu'ils veulent propager la foi chrétienne en terre d'Islam. Il est quand même navrant de voir un tel manque de reconnaissance chez des gens que des puissances chrétiennes ont aidé à prendre le pouvoir. La France n'est-elle pas la fille aînée de l'Église, tout comme le roi d'Arabie est le serviteur des lieux saints de l'Islam? Certes, le Qatar y était, puisqu'il a fourni l'argent, il en a plein le gousset, qui reste toujours le nerf de la guerre. L'émirat a aussi participé aux opérations, mais de façon supplétive et symbolique, en envoyant quelques avions pour ne pas les voir rouiller au sol. Voilà encore un argument de poids pour l'extrême droite européenne : "après avoir rétabli la polygamie, la Libye fait la chasse aux évangélistes, quand elle ne tue pas de bons chrétiens ".
A.H
(1) Charybde et Scylla, déesses de l'Olympe à l'origine, ont été transformées en monstres et assignées à résidence dans le détroit de Messine. Les marins étaient dévorés par le second, en tentant d'échapper au premier. Le légendaire Ulysse est passé au travers, mais il y a des soucis à se faire pour Adonis.
(2) Cette impopularité remonte en fait à 1927, date de la parution du brûlot dans lequel Taha Hussein faisait la démonstration du caractère apocryphe, voire falsifié, de la poésie préislamique. Ceci pour la mettre en accord, avec la langue du Coran, selon son hypothèse. Il eut droit à un procès retentissant, mais la justice de l'époque l'avait innocenté du crime d'atteinte à l'Islam. Ce que les religieux fanatiques n'ont toujours pas fait.

Paru ce lundi dans "Le Soir d'Algérie" 

samedi 23 février 2013

Défaite en musique : khaled doublé par Enrico





 Victoires de la musique


Khaled doublé par Enrico
 

Khaled n'a finalement pas obtenu de trophée dans la catégorie "Musiques du monde" où il faisait partie des quatre nommés aux "Victoires de la musique". C'est un duo malien qui l'a emporté, mais la politique a sans doute joué son rôle dans le choix du jury.
 


Nous sommes allés en conquérants au Zénith de Paris, assurés d'en revenir en triomphateurs, et brandissant le fameux trophée tant convoité des "Victoires de la musique". Avec un peu de chance, ajoutait notre père, nous pouvions même nous retrouver assis non loin de Françoise Hardy, et bénéficier des gros plans sur elle. On verrait à Alger qu'on y était vraiment et qu'on n'en parle pas pour la frime, pour "taper le genre". Nous y sommes tous allés, jeunes et moins jeunes, parce qu'il y avait Khaled, l'Algérien, et qu'il devait gagner en tant que tel. Ce n'est pas tous les jours qu'un grand artiste algérien monte sur les podiums français, et la période de disette risquait de durer. Alors, il fallait être là, non seulement pour Khaled, mais surtout pour l'Algérie, "One, two, three !".
Ce n'est pas de la politique, ça, Monsieur, c'est de l'amour, et ça ne se mélange pas ! On nous devait une revanche, après la déroute de notre équipe de football à la C.A.N. Et puis d'abord, il avait les faveurs des pronostiqueurs qui le donnaient gagnant d'une encolure, assénait Papa qui ne joue jamais aux courses. Nous y sommes allés, et Khaled était déjà là, souriant à s'en décrocher les zygomatiques, comme à son habitude. Un sourire de vainqueur, aurait dit ma sœur qui a failli gagner l'année dernière au "Juste prix", version algérienne. Seulement avec Khaled, c'est dur de deviner pourquoi il sourit, puisque c'est permanent chez lui. Tous ensemble nous lui avons fait le petit signe de victoire, mais il ne nous a pas reconnus, tant pis! Nous sommes venus quand même, et "Viva l'Algérie!".
 C'est Laurent Ruquier, l'humoriste, qui animait la soirée télévisée en direct sur "Francer 2", avec une certaine Virginie Guillaume. Oui, nous y sommes allés, mais nous en somme revenus bredouilles, et sans la moindre statuette, à placer dans la vitrine de notre salon national. Alors qu'il semblait mener la course en tête, avec une large avance, Khaled a été doublé et battu par…le Mali. Je dis bien le Mali, parce que c'est le tandem malien, Amadou et Mariam, qui l'a emporté, et parce que, finalement, la politique s'en est mêlée. On ne parle que du Mali, ici, depuis que l'armée française y est, et que les médias en parlent. Comment voulez-vous que les membres du jury qui désigne le vainqueur ne soient pas influencés par l'actualité ambiante? Et puis, le duo malien a déjà gagné une fois aux "Victoires", et ça n'aurait été que justice qu'ils s'effacent devant Khaled, mais la politique…
La preuve : c'est que tout était prêt dans la salle, avec des suffragettes brandissant des panneaux du drapeau malien. D'accord, Amadou et Mariam, ont un certain talent, mais leur tube "Africa, mon Afrique" pâlirait de jalousie si on lui opposait "Wahrane", interprétée par Khaled. C'est politique, et c'est toute la famille qui était d'accord, vendredi soir, pour le dire, et même que Maman, catégorique comme à son habitude, a conclu : "il n'aurait pas du y aller". Qu'importe, puisque Khaled avait l'air d'avoir digéré mieux que nous l'échec, si c'est le terme idoine pour parler de notre déconvenue. Par la suite, il est monté sur scène, mais pour y remettre un trophée d'honneur à Enrico Macias, non sans nous avoir "interprété" la chansonnette de "L'oriental" en duo.
Mon père pense tout haut que Khaled et Enrico chantant séparément, d'accord, mais en tandem, bonjour les dégâts. Enrico, on veut bien le croire, lorsqu'il clame qu'on "m'appelle l'oriental parce que je suis un sentimental", mais Khaled, qu'est ce qu'il a à voir ? Oran, la jouvencelle, qui a donné son cœur à Khaled, depuis qu'il a chanté pour elle, sur les traces vocales de l'inoubliable Wahbi, doit en frémir d'entendre cette chanson de vieux. Heureusement qu'il y a la télévision, et ses animateurs, pour donner l'illusion, le temps d'un soir et d'une chanson, que les choses ne vont pas si mal. En fin de compte, Khaled n'a pas gagné, certainement à cause du Mali, un peu à cause d'Enrico, qui joue plus le rôle d'arrière "tacleur" que de passeur décisif, comme dirait Hallilodzic.
D'accord Khaled, tu es reparti, bredouille comme nous, mais il n'y a aucune raison d'abdiquer: si tu nous fais une belle chanson, que tu arrives à feinter Enrico, et à te libérer de son marquage, tu gagneras. Et pas forcément aux "Victoires de la Musique", et puis que diable, tu n'auras pas forcément les mêmes pesanteurs politiques contre toi. Regarde : même François Hardy, l'idole de Papa, n'a rien obtenu, vendredi soir, au Zenith. Allez, au boulot ! Et gagne-nous quelque chose en 2014 ! L'idéal, ce serait que tu remportes la mise, que Carla Bruni soit nommée pour l'un des trophées, et qu'elle ne gagne rien. Du coup, toute la famille crierait "Cheh" à Sarkozy, pour l'ensemble de son œuvre, et défilerait sur les Champs- Elysées pour célébrer notre victoire. A condition que la politique ne s'en mêle pas, bien sûr.
S.A