mercredi 26 février 2014

Des faits et des statistiques sans hidjabs



Chaque fois qu'ils ont ouvert leur boîte de Pandore, et lâché leurs mauvais génies sur la "planète Islam", les Saoudiens ont fini par s'en mordre les doigts, par un juste retour de boomerang. Comme ils n'ont rien appris de l'Histoire, science qui leur est d'ailleurs parfaitement inconnue, les wahhabites se sont attaqués cette fois-ci à la Syrie, sous prétexte de contenir l'expansion chiite. Ils ont alors décidé de se lancer dans le "djihad" contre le régime alaouite de Damas, considéré comme le danger suprême, au moins égal à l'invasion soviétique athée en Afghanistan.
Sous l'étendard de la démocratie, brevetée par les alliés américains, et leurs relations d'affaires européennes, ils ont entrepris de libérer la Syrie d'une "emprise" chiite incertaine pour l'intégrer dans leur propre sillage. Mais comme disent les Bédouins qui n'ont jamais vu la mer, les vents ne soufflent pas toujours dans la direction escomptée par le marin. Cet engagement de l'Arabie saoudite en Syrie aurait pour seul effet sensible de renforcer les ultra-wahhabites, et de susciter des émules à Ben Laden, au sein de la jeunesse du royaume. Sans compter les récits de batailles d'un autre temps, et les appels à aller combattre en Syrie qui se répercutent de site en site, et pourraient mettre en danger la stabilité de la monarchie.
Certes, les Saoudiens peuvent encore compter sur le Qatar, et son imam qui a repris du service, l'inusable Karadhaoui, harangueur attitré des "djihadistes", et pourfendeur intarissable du régime de Béchar Al-Assad. Mais s'il est plus facile d'amadouer le prêcheur avec des chèques à sept chiffres, il en va autrement avec les jeunes ouailles saoudiennes, embarquées dans la machine à remonter le temps. Du coup, et pour décourager ces élans vers le nouvel Afghanistan si proche, le roi a publié la semaine dernière un décret punissant de trois à vingt ans de prison les Saoudiens qui iraient combattre à l'étranger. 
Le ministre de l'Intérieur, Mohamed Ben Nayef, l'un des hommes forts de la famille régnante a également été chargé d'élaborer des mesures pour protéger la monarchie contre "l'extrémisme religieux". Dans la foulée, et selon le quotidien londonien "Al-Quds", Ryadh et Washington auraient proposé au Hezbollah libanais de retirer ses brigades de Syrie en échange du départ des soi-disant "djihadistes". Or les combattants islamistes sont le fer de lance de l'insurrection contre Damas, depuis qu'ils ont imposé leur supériorité aux autres factions, dites modérées, comme l'Armée syrienne libre. Ce qui ne veut pas dire que cette dernière est à l'abri de cette affection religieuse qui contamine l'ensemble du monde arabe.

Le poète syrien Adonis qui n'a pas l'habitude de mâcher ses mots s'est forgé une opinion là-dessus, et il estime que le remède proposé par les insurgés serait pire que le mal, le régime de Damas en l'occurrence. Il va même jusqu'à affirmer que la principale force d'opposition syrienne, la "Coalition du peuple syrien", présente dans toutes les couches de la société, n'a aucune influence en sein de l'insurrection. Adonis se dit partisan d'une vraie révolution qui apporterait des solutions à un problème, au lieu de lui substituer un nouveau problème.
" Je suis pour une société en perpétuel changement et vitalité. Par conviction, je suis partisan de la révolution, mais la révolution doit avoir une morale, des valeurs et des perspectives humaines. La révolution doit toujours apporter des choses qui soient meilleures que celles contre lesquelles elle a été menée. Or, la première chose qui m'a frappé dans ce cas précis, c'est que cette insurrection a fait plus de mal que le régime, même si ce régime méritait qu'on se révolte contre lui". Adonis fait clairement référence aux exactions, et aux persécutions religieuses menées par des milices islamistes sous prétexte d'appliquer la charia.
Comme pour justifier ces appréhensions, les groupes islamistes qui contrôlent la région de Deir- Ezzor, au nord-est de Damas, ont entrepris d'y imposer le premier canon de leur religion, le hidjab. Ce morceau de tissus recouvrant les cheveux, proclamés parties honteuses, et imposé à l'Islam, et aux musulmans par des théologiens misogynes. Le voile, principal indicateur de la soumission, et de la docilité d'une société, aux yeux des propagandistes d'une vision archaïque de l'Islam, présentée abusivement comme un éveil. Jeudi dernier, les tenants de cet "éveil létal" ont lancé un ultimatum aux femmes leur enjoignant de se voiler sous peine de sanctions dont ils n'ont pas révélé la teneur.  
Les théologiens des groupes islamistes avaient estimé auparavant que la victoire sur le  régime de Damas avait été "retardée", à cause des fautes et des péchés commis par les habitants de Deir-Ezzor. Aussi, était-il nécessaire de dissuader le péché, et de propager la vertu, principalement et prioritairement parmi les femmes en utilisant l'arme suprême du voile. A vingt ans de distance, on retrouve les mêmes méthodes, et les mêmes arguments religieux utilisé naguère par les G.I.A qui faisaient la loi dans certaines localités algériennes. Le 28 février 1994, la jeune Katia Bengana avait été froidement assassinée, à la sortie de son lycéen, parce qu'elle avait refusé d'obéir à l'injonction que subissent aujourd'hui les Syriennes. Vingt ans après, il appartient à chacun, et à chacune d'interroger sa conscience sur la portée de ce sacrifice, et sur les capacités de certaines sociétés à aller de l'avant sans y être poussées. Et puisque nous célébrons ce lundi un anniversaire, celui de la création de l'UGTA et de la nationalisation des hydrocarbures, apprécions ces statistiques qui donnent bien du souci à Pierre Akel, animateur du magazine "Shaffaf" (Middle East Transparency). Notre confrère se demande comment deux États pétroliers, donc supposés riches, peuvent être si éloignés en matière de progrès technologiques. Au classement des pays arabes en matière de rapidité de la connexion internet, l'Algérie est dernière avec un débit de 1,5 Mégabit/seconde, les Émirats arabes unis étant en tête avec 16,1 Mégabits (47ème rang mondial). "S'il est naturel qu'un État pétrolier, comme les Émirats arabes unis soit en tête des pays arabes, comment expliquer que l'Algérie, pays pétrolier, gazier et agricole, ne soit que 185 ème sur 188. Elle ne devance, en fin de compte, que la Gambie, l'Afghanistan, et le Congo démocratique", conclut Pierre Akel. Voilà des statistiques sans hidjabs qui ne vont pas plaire à ceux qui nous mijotent de beaux petits bilans triomphalistes, que ce soit pour prolonger l'agonie, ou pour marquer une fin de règne.   
A.H.

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