Quelles
que soient la composition, et la nature du prochain gouvernement, avec ou sans
elles, actif ou passif, tracté ou poussé, qu'il roule au pas ou à tombeau
ouvert, je suis prêt à parier qu'il y a un ministre qui n'y figurera pas, et
c'est celui des affaires religieuses.
Entendons-nous bien, il s'agit du
ministre, et non pas du ministère dont la disparition est aussi improbable que
la compétitivité de notre économie. Abou-Abdallah Ghlamalah, c'est de lui qu'il
s'agit, est pourtant un homme qui ne rue pas dans les brancards, même s'il est
piqué au vif. Il lui est arrivé de dépasser la mesure, mais seulement contre
les opposants à son gouvernement, et contre les boycotteurs de tous poils. Il
aurait pu prétendre à une carrière aussi longue que celle d'un certain ministre
de l'éducation, mais il a commis l'irréparable. En essayant de nager à
contre-courant, un exercice rare et risqué pour un professionnel de la foi, et
en déniant au voile son caractère divin, Ghlamallah a fait la faute suprême.
Alors que tous les Algériens, avec ou sans uniformes, se sont ralliés au primat
du voile transcendant tout le reste, il a osé prétendre que la vertu n'avait
pas besoin de voile pour s'épanouir. Du coup, ils se sont tous réveillés en
sursaut, tous ceux qui, se conformant à ce qui est ordonné aux femmes, baissent les yeux pour ne pas voir l'outrage
à ciel ouvert commis contre le pays. Des comités de défense du hidjab ont
jailli sur tous les réseaux pour fustiger le pauvre ministre, et rappeler que
le voile est désormais l'une des constantes de la nation. Ghlamallah a donc très
peu de chance, à mon humble avis, de figurer parmi les convives qui viendront
éventuellement festoyer après le 17 avril. À moins qu'à l'instar de la pierre
qui roule, le fauteuil n'amasse pas les suffrages, amen!
En
disant amen, je mets en péril, d'une certaine manière, l'espoir d'un retour
d'affection (1) avec le chanteur Khaled qui vient de proclamer de façon très
originale son soutien à Bouteflika.
Je présume que Khaled qui se prévaut de la
disponibilité de son breuvage favori, du Johnny Walker Black, je crois, ne
s'est pas attardé sur son prix, sinon il aurait compris pourquoi certaines
coteries disposent de salaires élevés. En s'arrêtant juste un instant sur le
comment, il aurait appris que sous l'ère de "son" candidat, la
moitié, au moins, des établissements qu'il affectionne ont baissé le rideau. Ce
qui aurait dû, en toute bonne logique, mécontenter Khaled et combler d'aise Ali
Benhadj, mais c'est faire appel en vain à la raison de l'un et de l'autre. En
souhaitant au gagnant potentiel de perdre, je me mets aussi, en quelque sorte dans mon
tort puisque, selon de plus musulmans que moi, ayant accès à la télévision,
"the" candidat serait un "don du ciel". Il serait donc
inconvenant, malvenu, et religieusement inadmissible, par les temps qui courent
de contrarier la volonté divine, ou ceux qui l'interprètent. De nos jours, et
avec les sources de décibels qui nous tiennent en éveil, on peut se borner à
contenter les représentants de Dieu sur terre, sans trop se triturer les
méninges au sujet du destinataire final. Surtout, ne vous avisez pas d'émettre
une quelconque objection, sous peine d'excommunication, car ils sont les seuls
à avoir le droit de contredire, et de se contredire, entre deux fatwas.
Je
citerai le cas d'un des plus célèbres intermédiaires autoproclamés entre Dieu
et ses créatures, le nommé Salah Al-Fawzan, l'une des sommités religieuses en
Arabie saoudite. Il n'est pas le seul, mais il est représentatif de ces imams à
géométrie variable qui ont fait école depuis le règne de Muawya. Ces
théologiens du pouvoir, ou des princes, sont là pour donner des absolutions, à
priori ou à postériori, à des actes d'autorité susceptibles d'être mal compris,
ou rejetés par les pieux sujets, ou les non moins pieux citoyens. Au début des
évènements de Syrie, Salah Al-Fawzan a proclamé qu'il s'agissait d'une discorde,
d'une "fitna" interne, et qu'il convenait de ne pas s'en mêler. Puis,
avec l'engagement progressif de l'Arabie saoudite dans la coalition contre
Béchar, il a changé son fusil d'épaule, si j'ose dire, pour affirmer que le
combat contre le régime de Damas était assimilable au "Djihad" (3).
Même volte-face, mais au ralenti, dans le cas de l'Égypte où le cheikh a
commencé à dénoncer l'éviction de Morsi, comme "un coup d'État contre
l'Islam". Puis, voyant que Ryadh approuvait l'action des militaires
égyptiens, Al-Fawzan a d'abord préconisé la neutralité, avant de passer à la
franche hostilité, et aux attaques virulentes contre les "Frères musulmans".
Moyennant
quoi, le cheikh est autorisé, à émettre des fatwas qui peuvent prêter à rire
pourvu qu'elles n'engagent pas l'État saoudien, et ne remettent pas en cause
ses prérogatives. La plus récente, et qui marquera sans doute le bêtisier de
l'année est celle concernant les buffets que proposent les grands hôtels. Salah
Al-Fawzan affirme, en effet, que le recours à ces buffets est illicite, par le
fait que les clients payent une marchandise sans la connaître, ce qui est
contraire à la Charia. Ce qui a fait dire à un internaute désabusé que ces théologiens
de service ne voient pas plus loin que les buffets des hôtels, alors que des
dirigeants s'empiffrent tous les jours, en exploitant, et en affamant leurs
peuples.
A.H.
(1)
Le soir de l'élection de Liamine Zeroual, le chanteur m'avait provoqué en
combat singulier contre son agent, combat heureusement différé par
l'intervention d'un ami comédien qui avait créé une diversion propice, et dans
doute salutaire pour l'agent en question.
(2)
Déclaration d'un supporter à la télévision disponible sur ce lien :
(3)
La phalange des "Faucons de la fierté" qui a fait parler d'elle ces jours-ci,
lors de la libération de prisonnières alaouites qu'elle détenait, est composée
en majorité de Saoudiens, et elle est commandée aussi par un Saoudien, cheikh
Saqr. Cette phalange s'était ralliée au groupe irakien "Daech" (État
islamique en Irak et au Levant – EIIEL), considéré comme une organisation
terroriste par Ryadh. Ceci expliquant cela.
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