Hala
Sarhane, la célèbre animatrice égyptienne d'émissions de divertissements et de
débats télévisés sur le réseau satellitaire, est-elle une "potiche",
une idiote écervelée, ou une intelligence machiavélique? Dans ce cas,
ferait-elle l'âne pour avoir du son, comme dirait un ancien ami reconverti dans
les sauts de puce, entre partis politiques et mandats électoraux. Cette dame
qui trottine sur les remparts de la soixantaine s'acharne encore à minauder
devant ses invité(e)s, comme une jouvencelle. De ce fait, elle ne se fait pas
que des amis, notamment sur la chaîne "Rotana", dont elle est l'une
des figures de proue, quoiqu'elle soumette la sienne de figure, à un lifting
régulier. C'est du moins ce que
persiflent ses détracteurs sur les réseaux sociaux où elle est régulièrement
écharpée, et accusée de tous les maux sociaux, dont s'abreuve la littérature
islamiste. On a tout disséqué d'elle, en plus des traces d'étirement de peau
sous le menton, et notamment ses prétendues frasques sentimentales, et ses "mœurs
dissolues". Au demeurant, j'aime bien cette expression indélébile du
lexique islamiste pour qualifier, et disqualifier, les partisans de la laïcité, que la nouvelle
direction du FLN a reprise à son compte (1), par manque d'imagination. Cette
digression vite refermée, par souci de ne pas perdre du temps inutilement,
j'ajouterai que la haine que vouent les islamistes à Hala Sarhane est pour
beaucoup dans mon excès d'empathie à son égard. Et ça, vous l'aurez
probablement deviné, si vous ne le saviez déjà.
Seulement,
je viens de regarder une vidéo sur "You Tube" que des amis m'ont fait
parvenir, et j'ai commencé à me poser les questions que vous avez lues plus
haut. Dans cette vidéo, Hala Sarhane reçoit sur le plateau de
"Rotana", une certaine Nouha Zeïni, auteure d'un livre au titre accrocheur
"Les jours des Amazighs". D'où l'intérêt de mes amis internautes qui
ont visionné cette vidéo, et se sont dits agréablement surpris par le fait
qu'une Égyptienne s'intéresse à cette question, superbement édulcorée, ou ignorée
de Rabat à Dubaï. Ce qui m'a frappé dans cette vidéo, c'est l'attitude de
l'animatrice qui semble aller de surprise en stupeur, avec les
"scoops" historiques que distille son invitée. "Contrairement à
ce qu'on raconte en Occident, ce ne sont pas les Arabes qui ont conquis
l'Andalousie, mais les Amazighs musulmans. Tarek Ibn-Ziad était un Amazigh, et
tous ses soldats l'étaient aussi. Ce n'est qu'après la conquête que Moussa
Ibnou-Noceir (2) les a rejoints avec des troupes arabes", affirme
doctement Nouha. "Ah bon!, réplique Hala, la bouche en cul de poule comme
si la nouvelle venait juste de tomber avec la mention "urgent".
"Mais oui, renchérit Nouha, Ibn-Khaldoun, le père de la sociologie, était
aussi un Amazigh".
"Oh,
oh, réagit Hala qui ajoute, comme fatiguée de jouer les ignares :" donc,
le philosophe Mohamed Abed Al-Djabri (3) …". "C'est un Amazigh, bien
sûr, enchaine l'écrivaine qui s'insurge contre la négation des spécificités
culturelles dans les pays arabes. Elle cite comme exemple typique de cette
négation, et de la répression subséquente, l'attitude de l'ancien dirigeant
libyen Kaddafi qui a systématiquement occulté l'existence des Amazighs. Nouha
Zeïni, juge de profession et spécialiste de droit constitutionnel, repousse
aussi énergiquement l'idée répandue selon laquelle la diversité ethnique et/ou
culturelle est un danger pour l'unité nationale. "C'est la tentative
d'étouffer, voire d'annihiler cette diversité qui est à la source de révoltes
et de réactions comme le refus légitime des Amazighs de se dire arabes".
Quant au livre dont il est question (4), ce n'est pas un ouvrage d'histoire, et
encore moins une œuvre d'historien, puisqu'il s'agit d'un survol,
religieusement orienté, de quelques siècles d'histoire de l'Afrique du Nord.
D'entrée, Nouha Zeïni, qui porte le hidjab, imposé par les théologiens, marque
d'ailleurs ses préférences en nous parlant du fondateur de l'Arianisme,
l'Amazigh Libyen Arius. L'ancien patriarche d'Alexandrie trouve d'autant mieux
sa place dans ce livre que sa doctrine repose sur la réfutation de la
"Sainte Trinité", et la négation de la divinité du Christ.
De
quoi séduire d'emblée, en terre d'Islam même si, par ailleurs, on ignore
allègrement les résistances locales aux conquêtes arabes, et les noms des
personnes qui les ont conduites. L'essentiel du livre s'intéresse à la période
d'environ quatre siècles qui sépare la première conquête de l'Andalousie, par
Tarek Ibn-Ziad, de la seconde conduite par la dynastie almoravide de Youcef Ibn
Tashfine. On referme d'ailleurs le livre sur la victoire de l'armée almoravide,
sur Alphonse de Castille dans la plaine de Zellaka, qui constitua un coup de
frein à la "reconquista" espagnole. L'auteure ne se prive pas de
faire l'apologie de ce règne qui rétablit selon elle la pureté et la rigueur de
l'Islam des premiers âges, pour "la plus grande gloire du
monothéisme", autrement dit de l'Islam. Dans l'intervalle, notre juge aura
longuement épilogué sur le retour des Amazighs au paganisme, sous la houlette
de leurs "femmes très belles et très influentes", une autre histoire
de mœurs dissolues. Ce qui prouve que la partition est toujours bien apprise.
Il faut souhaiter aussi que Hala Sarhane n'oublie pas qu'il y a aussi des
Amazighs dans l'oasis égyptienne de Siwa.
A.H.
(1)
Quand j'entends ces gens-là me parler de "mœurs dissolues", j'ai
envie de plonger tête la première dans la cuve à dissolution, après avoir
vérifié qu'ils ne l'ont pas utilisée récemment.
(2)
Un drôle de paroissien aussi, ce Moussa Ibnou-Noceir qui s'est attribué la conquête
de l'Andalousie, après avoir réussi à discréditer, et à faire tomber en
disgrâce Tarek Ibn-Ziad.
(3)
Le penseur marocain (1936-2010), né à Figuig, était considéré comme l'un des
meilleurs spécialistes d'Ibn-Rochd (Averroès), dont la philosophie imprègne
d'ailleurs l'un de ses ouvrages les plus connus "Critique de la raison
arabe".
(4)
"Les Jours des Amazighs" est disponible au téléchargement sur ce site
:
Quant
à la vidéo où Hala Sarhane joue les étonnées, vous la trouverez ici :
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