19 mars 1962 – 19 mars 2013
Plus ça change, moins ils changent…
Cinquante et un ans que ça dure, cinquante et un an que les
nostalgiques de l'Algérie française entretiennent la haine, et propageant leur
bile, à travers toute la France, et sur deux générations, au moins. Cinquante
et un ans qu'ils commémorent, toujours avec les mêmes mots, les mêmes refrains,
sans une seule minute consacrée à ouvrir leurs yeux, à desceller la dalle, imposée
à leur humanité. Pas une petite minute, ni même quelques secondes arrachées à
la haine, et à la soif de revanche sur une Histoire qui a pourtant choisi les
siens. Une histoire qui leur a dit, et
qui leur répète sans cesse et toujours, que le colonialisme est la pire des
dominations, un système ignominieux qui fait fi de la vie, et de la volonté des
peuples conquis.
Une histoire qui leur dit qu'après cent trente ans d'occupation et d'exploitation
colonialistes, le peuple algérien était légitimement fondé à se libérer par la
violence. La violence de la lutte armée, seule alternative laissée aux peuples
colonisés, et principalement à l'Algérie, pour briser les chaînes, et se
libérer d'un système de domination impitoyable. La violence révolutionnaire, en
riposte à l'accumulation des violences commises par la colonisation française,
et au nom de la France, durant plus de cent trente ans. Or, voici qu'après plus
d'un demi-siècle de glorification de la colonisation, d'érection de stèles à la
mémoire des tueurs de l'O.A.S, les revanchards n'ont toujours pas renoncé.
Fils, petits fils, ou descendants de colons, avec toute l'horreur
attachée à ce mot, les nostalgiques de "l'Algérie de papa" n'ont
toujours rien appris. Le monde a changé, autour d'eux, la France a changé,
leurs enfants ont changé, mais ils sont toujours là, à exhaler la même rancœur.
Et à déverser le trop-plein de racisme qui les submerge, en attendant de les
étouffer. Cette année encore, à l'occasion de la commémoration de l'entrée en
vigueur du cessez-le-feu en Algérie, les fans de l'OAS se rappellent au bon
souvenir des médias. Le Front national leur étant apparu comme un cadre trop
étroit pour eux, ils ont migré vers l'Union pour un mouvement populaire
(U.M.P), à la faveur de la reprise en main du parti par Sarkozy et consorts.
Dans l'opposition, depuis la défaite de son chef aux élections
présidentielles, l'U.M.P. chasse ouvertement, désormais, sur les terres lepénistes,
quand il ne conclut pas d'alliances électorales avec le F.N. Ce n'est donc pas
un hasard si les premiers refus de commémorer le 19 mars, et les décisions de mettre
les drapeaux en berne en signe de deuil émanent d'élus de l'U.M.P. Pour ces
derniers, il ne s'agit plus d'hommage aux victimes de la guerre d'Algérie, sur
toute la durée de cette guerre, mais de rouvrir d'autres plaies. Affligés d'une
mémoire sélective, et propice aux amnésies, ces nouveaux ultras, héritiers d'un
gaullisme défroqué, ne veulent s'intéresser qu'à la période qui va du
cessez-le-feu à l'indépendance, et plus loin encore si possible.
Juste ce qu'il faut pour impliquer et stigmatiser l'Algérie et les
Algériens, juste pour reprendre l'entreprise de blanchissage de leur sanglante
façade. Pour cela, ils ont un sujet idéal, exploité jusqu'à la corde, mais
toujours accrocheur, celui des "Harkis". Durant près d'un demi-siècle
le filon reposait sur le "sort injuste" fait à ces supplétifs, et à
leurs familles, par une France dont ils avaient porté les armes. Avec un
ensemble quasi parfait, la France officielle, à travers ses relais médiatiques,
n'a pas prononcé le moindre mot, ni fait une quelconque allusion au rôle de
"Harkis", pendant cette guerre. On a sciemment laissé dans l'ombre la
participation de ces supplétifs aux opérations de ratissage, aux actes de
torture, et aux exactions sur les populations désarmées.
Les faiseurs d'opinions ont fermé pudiquement les yeux sur les
véritables raisons qui ont poussé la majorité de ces "Harkis", à
prendre les armes contre leurs propres frères. Il n'y avait ni amour de la
France, ni fidélité au drapeau français, dans ces engagements, il y avait
seulement des motivations beaucoup moins nobles, et plus terre-à-terre. On peut
parler de désir de vengeance, et il y en eut, de mauvaises appréciations des
enjeux et des perspectives d'avenir, mais dire que les "Harkis" ont
aimé la France, et se sont battus pour elle, c'est faire croire qu'ils sont les
descendants directs des premiers soldats français débarqués à Sidi-Fredj. Or,
il est reconnu, et dans toutes les chapelles, que dans "l'Algérie de
papa", on ne se mélangeait pas, pas plus que ne se sont mélangés, les
harkis rapatriés, et leurs "compatriotes" français.
On peut d'ailleurs admettre que si les "Harkis" sont quelque
part des victimes, ils le sont effectivement, mais ils sont des victimes de
l'ingratitude française. La raison, et l'histoire commandent de s'en tenir à
cela. Car les présenter comme des "victimes innocentes" des
"méchants fellaghas algériens", c'est travestir l'histoire, et
entretenir un malentendu nuisible pour leur propre descendance. Quant aux
tentatives maladroites de certains enfants de Harkis qui revendiquent, contre
vents et marées, un statut de héros pour leurs parents, elles sont encore moins
acceptables.
Les Algériens ont montré qu'ils savaient tourner la page, en
accueillant après l'indépendance tous les "Harkis", qui n'avaient pas
commis des exactions majeures. De même qu'ils n'ont jamais cédé à la tentation
de considérer leurs enfants, comme responsables des errements de leurs parents.
Ceux d'entre eux qui s'acharnent aujourd'hui à hisser leurs pères sur des cimes
qu'ils n'ont jamais ambitionné d'atteindre sont en train de se fourvoyer. En
s'obstinant à présenter leurs pères comme des héros, dont ils seraient les
dignes héritiers et d'ardents défenseurs, ces enfants de harkis envoient un
seul message aux Algériens. Et ce message décodé, le voici dans toute sa
cruauté : "Tels pères, tels fils".
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