Kiosque arabe
Le 8 mars, on en parle encore !
La semaine dernière, il était trop tôt pour parler du 8
mars, et des femmes, mais il n'est pas trop tard pour en parler trois jours
après. D'autant plus que je n'ai pas raté l'occasion sur mon blog (http://ahmedhalli.blogspot.com/),
que je viens de réanimer, après avoir épuisé toutes mes réserves de rancœur, et
cessé de ruminer des projets de revanche, que je sais irréalisables. La page
étant tournée, avec quelques déchirures dues à des pulsions irrésistibles, je
suis parti en quête des promesses de renouveau arabe que seules les femmes
peuvent tenir. Oui, les pays arabes ont tous célébré le 8 mars, et ils le
feraient plutôt deux fois qu'une, puisqu'il ne revient que l'année d'après, et
que d'ici là les engagements formulés du bout des lèvres auront été oubliés. Il
serait intéressant d'ailleurs de regarder les statistiques des violences faites
aux femmes, des viols et des avanies
diverses qu'elles subissent dans la rue, pour les obliger à retourner
s'enfermer. C'est souvent ce qui leur arrive, d'ailleurs, juste en rentrant d'un meeting, d'une
rencontre où on leur aura seriné que la femme a arraché des "droits
inaliénables". Et elles marchent toujours, même si les trottoirs sont
encombrés par des gamins stupides et bornés, qui leur montrent la voie à
suivre, celle qui conduit aux cuisines, ou à la chambre à coucher.
De l'espoir, il y en a encore, et
il y a des femmes qui ne se privent pas d'y croire, de le dire, et de
l'entretenir. Comme ces femmes d'Égypte, qui se sont constituées en comités de
défense, et apprennent à se défendre contre le harcèlement sexuel. Elles
refusent la ségrégation et l'enfermement qu'on veut leur imposer au nom d'une
conception machiste de l'Islam. "Nous ne sommes pas "Aawra"
(parties honteuses) mais "Rawaa (merveilles)", proclament-elles en
intervertissant les caractères du mot cher aux misogynes. J'ai aussi aimé
celui-là : "Non ne dis pas "Aawra", la voix de la femme est
"Thaoura" (révolution). Ou bien celui-ci : "Nous avons fait la
révolution, et nous pouvons témoigner que les "Frères musulmans l'ont
confisquée". La chroniqueuse libanaise Dalal Al-Bizri qui vit, la plupart
du temps au Caire a répertorié plus d'une trentaine de mots d'ordre de ce type,
dans le quotidien de Beyrouth, "Al-Moustakbal". Ce qui ressort fondamentalement
de ces slogans revendicatifs, même s'il n'est pas textuellement exprimé, note
notre consœur, "c'est la chute du prestige moral dont jouissaient les
"Frères musulmans du temps de Moubarek. Et ce, parce qu'ils se réclamaient
du "juste milieu", affichaient leur "modération", et leur
"crainte de Dieu". Les voilà qui perdent leur magnétisme politique, ainsi
que la rectitude morale dont ils se prévalaient, et qui leur a permis de faire
croire aux électeurs qu'ils s'exprimaient au nom de Dieu".
8 mars encore : l'écrivaine koweïtienne,
Dalaa Moufti, a apporté sa contribution sur le site "Shaffaf", avec
quelques notes acerbes sur les pays arabes, dont voici quelques-unes :
-
Dans nos pays, les hommes de
religion, se préoccupent de tout ce qui peut réprimer la femme, et ils
abandonnent ses droits, ceux de l'enfant, du pauvre, et du faible à qui veut
bien se sentir concerné (si tant est qu'il existe).
-
Dans nos pays, on ne voit de la
femme que son corps, son visage, sa voix, son poignet, ses yeux marqués au
kohol, et ils oublient qu'elle pense et qu'elle a de l'esprit.
-
Dans nos pays, nous exigeons que
les non-musulmans appliquent les lois de notre religion, mais lorsque nous
vivons en Occident, nous rejetons leurs lois, et nous cherchons à leur imposer
les nôtres.
-
Dans nos pays, nous célébrons la
mort, les guerres, et même les défaites (après avoir changé leur nom), et nous
faisons la guerre à quiconque célèbre la vie.
-
Dans nos pays, il y a beaucoup de
rancune, de colère et de sang, et un tout petit peu d'amour.
Dans la même veine, je vous propose
quelques extraits de la confession plaintive d'une jeune fille arabe
célibataire, appelons là Ahlem, publiée sur le site "Free-Arabs", sous
la plume de Sanaa Elaji. Ahlem est montrée du doigt, parce qu'à trente ans,
elle n'est pas encore mariée :
" Mon problème, c'est que je
suis célibataire. Le dictionnaire de la langue arabe me considère comme
"vieille fille", mais je n'accepte pas ce terme de "vieille
fille", c'est une expression misérable. Je suis une célibataire. Et le
célibat pour moi est beaucoup plus qu'un statut familial, administratif ou
légal. C'est ce choix qui te permet de décréter que ton bonheur ne s'arrête pas
nécessairement à un seul être. Je suis celle qu'on considère comme une mineure
à vie, mais qui refuse qu'on exerce sur elle une quelconque tutelle; sous
prétexte qu'elle est née avec un appareil génital féminin, dans une société qui
a peur du corps féminin et qui le recouvre d'un voile répressif". L'autre
gros problème de la jeune fille, c'est sa mère : "Ça ne l'intéresse pas
que je sois aujourd'hui une ingénieure en informatique respectée dans une des
grandes entreprises économiques de mon pays. Il lui importe peu que mon salaire
mensuel soit le quintuple de celui que perçoit mon père, petit fonctionnaire,
dans une administration locale. Je reste, à ses yeux, une femme qui a échoué
tant qu'un homme ne vient pas frapper à notre porte pour demander ma main à mon
père".
De la femme, il est encore question
avec cette anecdote qui est rapportée dans un livre récent sur Khaddafi, écrit
par l'un de ses anciens ministres de l'éducation, un certain
"douktour" Akil Hussein Akil. A l'occasion de la célébration de la
fête nationale en Russie, Khaddafi, avait délégué son premier ministre à
Moscou, avec mission de rencontrer Poutine, et de lui demander la main de sa fille, pour le rejeton du guide
libyen, Saïf-Al-Islam. Il devait faire valoir les bénéfices mutuels qui
résulteraient de cette alliance pour les deux pays, en particulier pour la
Russie. Ainsi, les portes de la Libye s'ouvriraient-elles en grand devant les
entreprises et les investissements russes. Poutine, qui ne voyait pas du tout
en Khaddafi, le nouveau Prophète de l'Islam qu'il croyait être, rejeta
évidemment cette alliance assez encombrante. Une autre anecdote qui révèle le
degré de mythomanie du personnage : après
le déclenchement de la rébellion, il a envoyé un émissaire à ses chefs
pour leur proposer de se démettre au profit de son fils Seïf Al-Islam. En
échange, il demandait à être proclamé empereur, avec l'appui cet argument
spécieux : après tout, le Japon est un État moderne qui a un empereur, pourquoi
ce ne serait pas le cas en Libye?
A.H.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire