Chaker
Naboulci, c'est un nom qui ne vous dit certainement rien, et je le
comprends. Tous vos journaux ne parlent que d'un certain Toufik,
qu'un incertain Saadani cherche à déboulonner, aiguillé par un
"prompt renfort", venu on sait trop bien d'où. "Qui
l'a rendu si vain, lui qu'on n'a jamais vu qu'avec un "bendir"
à la main?" (1). Donc, Saadani est lâché, mais en regardant
autour de lui, après cet acte de témérité inouï, il a dû
s'apercevoir qu'il était sans doute allé trop loin. Dame : on peut
crier jusqu'à l'extinction de voix que l'Algérie ne trouvera de
salut qu'en Abdelaziz, mais de là à emboîter le pas au "frère"
Amar, il y a un pas que personne n'a osé franchir. Nous n'avons
entendu que le hurlement strident des freins brutalement actionnés.
D'aucuns ont opté pour une prudente marche arrière, n'ayant pas
encore toutes les cartes en main, et se préservant pour le proche
avenir, au cas où il faudrait voler au secours de la victoire.
Comme
tout ceci ressemble à l'histoire du vieux lion, assailli par des
"chacals", cette engeance qui ne doit qu'à un caprice de
la langue française de ne pas finir en "aux". Et puis,
tant qu'à faire, pourquoi ne s'offrirait-on pas le luxe de réformer
notre butin de guerre, et d'apprendre à recompter nos "chacaux",
et à cesser d'appeler nos canailles "Si flène"? Le plus
rageant, c'est que l'autre, le Tewfik, ne dit toujours rien, il se
laisse planter des fléchettes, tailler des escalopes, mais il ne dit
rien. C'est à croire qu'il profite du hourvari déclenché autour de
sa personne, pour nous préparer un de ces coups dont il a le secret,
et qui est précisément sa partie. Moins téméraire que le "frère"
en question, et avec beaucoup moins d'appuis que lui, je suis venu
vous parler de Chaker Naboulci, qui aurait pu avoir un rapport avec
le FLN. Si ce FLN là, ne s'était pas empressé de se débarrasser
de son "A.L.N", et de se consacrer à la gestion de la
rente, et au graissage des rouages du pouvoir.
Si
le nommé Saadani ne s'était pas improvisé, et par intrusion,
défenseur de la "société civile", l'idée ne m'aurait
pas effleuré de l'associer à Naboulci, ne serait-ce que pour les
distinguer l'un de l'autre. Autant dire que les deux n'étaient pas
faits pour jouer dans la même division (2). L'un, anciennement
appareillé à une "derbouka" selon ses plus fiables
détracteurs, est devenu un homme d'appareil, à la force du poignet,
si j'ose dire. L'autre est un intellectuel jordanien, qui est décédé,
de façon presque subreptice, le 14 janvier dernier, aux États-Unis,
où il avait étudié et travaillé, et où il avait choisi de finir
ses jours, faute de mieux. C'est sans doute à ce choix que Chaker
Naboulci doit le silence qui a entouré sa disparition. Sachant que
dans nos pays on pardonne rarement à ceux qui ont préféré aller
chercher ailleurs ce bonheur que nous nous acharnons à maintenir
enfoui sous nos pieds.
Naboulci était
considéré comme le chef de file des "Nouveaux libéraux
arabes", un courant de pensée et d'action, prônant la laïcité,
comme socle de la démocratie. Un courant qu'il avait initié avec
d'autres penseurs de renom, comme le Tunisien Lakhdar Afif qui est
parti, aussi discrètement lui aussi, en juillet dernier. Sociologue,
critique littéraire, et polémiste de talent, Chaker Naboulci
s'était attiré les foudres des théologiens, en prenant à
contre-pied. Pour lui, les théologiens et les "cheikhs"
islamistes n'avaient qu'une seule démarche, et un seul objectif:
soumettre les textes sacrés à leur courant, et imposer ce courant à
la communauté musulmane. Il s'était ainsi frontalement opposé au
cheikh Karadhaoui, lorsque ce dernier avait sommé les Kurdes d'Irak
de prendre position en faveur ses sunnites arabes contre les chiites.
Il
lui avait reproché d'avoir gardé le silence, pendant des années,
sur les exactions de Saddam Hussein contre les Kurdes, et de ne
reconnaître leur existence que lorsqu'il s'agit d'en faire des
alliés, dans un conflit interreligieux. Chaker Naboulci n'hésitait
pas aussi à s'attaquer aux tabous religieux, et notamment en
contestant la véracité des hadiths, validés par des imams
prestigieux comme Boukhari. Selon lui, au moins 5000 hadiths validés
par Boukhari, deux cents ans après la mort du Prophète, devraient
être expurgés de la Sunna. Dans cet ordre d'idées, il avait mis
également en doute l'authenticité de nombreux hadiths concernant
les femmes, et tendant à les rabaisser, voire à les avilir, que
brandissent volontiers les cheikhs d'aujourd'hui.
Parmi
ces rapporteurs de hadiths, sujets à contestation, Chaker Naboulci
cite le cas d'Abou-Horeïra, à qui Omar avait interdit de rapporter
les dits prophétiques, et qui s'en était donné à cœur joie après
la mort du Khalife. Il évoque encore l'exemple d'un autre
rapporteur, Abdallah Ibn Abbès qui n'avait que onze ans à la mort
du Prophète, et qui a rapporté environ 1660 hadiths. Le Khalife Ali
avec qui il avait polémiqué disait de lui : "il mange illicite
(haram), boit illicite, et il ne remplit pas la mission que Dieu lui
a confiée", ajoute Chaker Naboulci. Auteur prolifique,
l'écrivain jordanien a édité plus d'une soixantaine de livres et
d'essais, dont une biographie du caricaturiste palestinien, Nadji
Alaali, assassiné en 1987 par le "Mossad" à Londres. Son
dernier ouvrage, édité en septembre 2013 à Beyrouth, et intitulé
"La sexologie arabe", est aussi un sujet à controverses et
à polémiques. De là où il est, il n'entendra pas les
vociférations, et les fulminations, des imams de l'excommunication
et de la diabolisation. Il y en a qui partent, et qui ne laissent que
des regrets, mais il y en a d'autres qui s'entêtent à rester, ne
suscitant qu'amertume et colère!
A.H.
(1)
Je sens qu'avec cette envolée inspirée du "Cid" de
Corneille, certains de mes bons amis vont se laisser convaincre que
j'ai été "Colonel du DRS" dans une autre vie.
(2)
À ce propos, on m'a raconté ces jours-ci que l'ennemi intime de
Saadani, en l'occurrence Tewfik, serait confronté à une
désaffection massive de son entourage, au point qu'il n'arriverait
même plus à constituer une équipe complète pour pratiquer son
sport favori, le football. Ce second alinéa tendrait à m'exonérer
de l'étiquette évoquée ci-dessus, comme dirait l'un de mes rares
amis qui ont réussi à atteindre le grade de colonel.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire