Où il est démontré que l'ivresse de l'altitude, additionnée à celle que distille un Johnny Walker, "étiquette rouge", peut réveiller de mauvais penchants. Il faudra bientôt ajouter aux consignes de bord dans les avions l'interdiction de voler…
Il y a quelques longues années, lorsque j'étais jeune et turbulent (je
le suis toujours), je voyageais avec une délégation officielle, à bord d'un
avion officiel et très haut placé (l'altimètre de bord indiquait 10.000 mètres).
Nous revenions d'un périple africain, et comme le trajet de retour était long
et ennuyeux, nous avons reformé les deux équipes de belote qui s'étaient déjà
affrontées au sol. Le principe était d'opposer deux journalistes à deux membres
de la délégation officielle qui étaient cette fois-là deux hauts cadres, un
civil et un militaire. Ivresse de l'altitude, ou autre, mon partenaire s'était
mis à commettre des erreurs de débutant, et comme nous étions en difficultés, je
me devais de réagir. Je me suis souvenu d'une méthode de triche très efficace que
m'avait enseignée un diablotin de mes amis de lycée (qui le sont toujours), et
que nous avions expérimentée à merveille, durant de longues années (1). Alors
que nous survolions le territoire algérien, celui de la vigilance, et de la
suspicion, permanentes (2), l'un de nos adversaires me prit, si l'on veut, la
main dans le sac. Suffoquant d'indignation, cet officier supérieur de l'armée,
leva les bras au ciel et s'écria : "si près de toi mon Dieu!". Et se
tournant vers moi : "comment peux-tu tricher à une telle altitude, tu n'a
donc pas peur de Dieu?". Comme la bonne humeur avait vite repris le
dessus, je répondis piteusement à la manière du scorpion, en disant que je le
faisais machinalement, sans y penser.
Le souvenir de ce voyage m'est revenu la semaine dernière, alors que j'étais à bord d'un avion de ligne, volant approximativement à la même altitude que le premier nommé. J'ai été ainsi confronté à un curieux incident, rarissime dans les transports aériens, à ce qu'on m'a dit. Je ne vous dirai pas le nom de la compagnie aérienne, ni l'horaire du vol, quant au trajet, certains l'auront deviné, c'est celui de Paris-Alger. J'étais donc installé sur mon siège, côté couloir, lorsque ce voyageur, venu ou extradé d'une autre planète, est venu s'installer dans la même rangée. Alors que l'avion n'avait pas encore commencé à rouler sur la piste, celui qui allait être mon compagnon de voyage (mouvementé), a essayé d'engager la conversation. Devant mon manque d'enthousiasme, il s'est rabattu sur son téléphone, en engageant une conversation bredouillante, entrecoupée d'"Inchallah". En le voyant ensuite dégainer une bouteille de Johnny Walker (Red label), à moitié vide, de son sac "duty-free", j'ai compris qu'il était du genre à avaler une rasade de whisky, et à dire "Al-hamdulilah". Je me suis tout de suite demandé si ce gars là n'allait pas avoir des ennuis à l'arrivée, à l'aéroport, au vu de son état et de son comportement. En dépit des consignes, il a continué à téléphoner à toutes ses connaissances, y compris au syndic de son immeuble pour lui signaler une fuite d'eau dans les sous-sols. Rien de plus normal me direz-vous: ne dit-on pas chez nous que l'ivrogne connait la porte de sa maison. Mais là. Allez une bonne rasade de "Johnny" pour fêter le décollage réussi!
Le souvenir de ce voyage m'est revenu la semaine dernière, alors que j'étais à bord d'un avion de ligne, volant approximativement à la même altitude que le premier nommé. J'ai été ainsi confronté à un curieux incident, rarissime dans les transports aériens, à ce qu'on m'a dit. Je ne vous dirai pas le nom de la compagnie aérienne, ni l'horaire du vol, quant au trajet, certains l'auront deviné, c'est celui de Paris-Alger. J'étais donc installé sur mon siège, côté couloir, lorsque ce voyageur, venu ou extradé d'une autre planète, est venu s'installer dans la même rangée. Alors que l'avion n'avait pas encore commencé à rouler sur la piste, celui qui allait être mon compagnon de voyage (mouvementé), a essayé d'engager la conversation. Devant mon manque d'enthousiasme, il s'est rabattu sur son téléphone, en engageant une conversation bredouillante, entrecoupée d'"Inchallah". En le voyant ensuite dégainer une bouteille de Johnny Walker (Red label), à moitié vide, de son sac "duty-free", j'ai compris qu'il était du genre à avaler une rasade de whisky, et à dire "Al-hamdulilah". Je me suis tout de suite demandé si ce gars là n'allait pas avoir des ennuis à l'arrivée, à l'aéroport, au vu de son état et de son comportement. En dépit des consignes, il a continué à téléphoner à toutes ses connaissances, y compris au syndic de son immeuble pour lui signaler une fuite d'eau dans les sous-sols. Rien de plus normal me direz-vous: ne dit-on pas chez nous que l'ivrogne connait la porte de sa maison. Mais là. Allez une bonne rasade de "Johnny" pour fêter le décollage réussi!
Je me suis mis à réfléchir, et à supputer façon résolution du FLN :
considérant que l'homme a l'air d'être assez proche de la cinquantaine, et
qu'il a sans doute des problèmes de prostate. Considérant ce qu'il a bu, et ce
qu'il boira sans doute durant le trajet. Considérant les problèmes de vessie
subséquents. Il aura à se déplacer plusieurs fois vers les toilettes (3), et
j'aurais donc aussi à me lever pour lui céder le passage. Or, je voulais regarder tranquillement un épisode
de "Game of thrones" sur mon portable, dont je craignais d'ailleurs
qu'il soit atteint par une manipulation hasardeuse de la bouteille susnommée.
Par prudence, je me suis donc décalé vers l'autre rangée de sièges inoccupés,
avec mon lap-top, négligeant de déplacer aussi mon sac "duty-free", qui
était sous le siège de devant. Ce n'est qu'au moment où l'avion amorçait sa
descente vers Alger que je me suis aperçu que mon sac n'était plus là où je
l'avais mis. J'ai essayé d'attirer l'attention de l'unique occupant de la
rangée que j'avais vu fureter sous les sièges à la recherche de sa carte de
débarquement qu'il avait jetée dans un premier geste de révolte citoyenne,
sponsorisée par l'émir Johnny Walker. En vain: il semblait avoir perdu les sens
de la parole, et de l'ouïe, tout en s'affairant à empiler d'autres affaires sur
le sac suspect. J'ai même eu l'impression de l'avoir vu regarder fixement le
hublot, comme s'il était à bord d'un bateau, et qu'il pouvait jeter l'objet
compromettant à la mer. Ce qui a achevé de me convaincre qu'il avait encore
assez de lucidité pour s'apercevoir qu'il ne pouvait dissimuler trop longtemps
son larcin. Malgré cela, il s'est entêté, et a refusé de montrer le contenu de
son sac à l'intérieur duquel il avait fourré hâtivement le mien.
Devant son refus obstiné, et son attitude impolie, et injurieuse
parfois, nous nous sommes retrouvés lui et moi au poste de police de l'aéroport.
Dans l'intervalle, il avait eu un début d'altercation avec un ou deux
voyageurs, en attente de passer les contrôles de police, et s'en était pris à
moi, me menaçant de me "découper en lanières". Comme j'avais mon petit
magnétophone dans ma poche, je lui ai demandé de répéter ses propos, ce qu'il a
fait sans plus attendre, en y ajoutant cette insulte cinglante : "Espèce
de journaliste!". On m'avait déjà traité de quelques noms d'oiseaux et
d'animaux moins nobles, et même de membre d'une aristocratie infernale, mais
jamais on ne m'avait fait un tel compliment. Toujours est-il que j'ai fini par
récupérer mon bien, vu que j'étais le seul à connaître le contenu du sac dérobé
momentanément.
Et même, à ce moment là, pris sur le fait, il n'a même pas eu un mot de
regret, au contraire : "Tu t'es volé toi-même". Autrement dit, en lui
abandonnant la place, et en laissant mon sac à portée de sa convoitise et de sa
main, je l'avais induit en tentation, et j'étais donc le vrai coupable. Que
voulez-vous faire après cela? Je suis parti en remerciant tout le monde, lui
compris pour avoir daigné renoncer à garder mes emplettes, une boîte de
cigares, et une bouteille de whisky indemne (3). Parti comme il était, il
aurait pu vouloir consommer immédiatement son butin, ouf ! En plus, je ne fume
pas et la bouteille n'était pas pour moi. Avec le recul, je pense que j'aurais
du demander au moins que soit notifiée à cet individu une interdiction de
voler, avec toutes les définitions du dictionnaire. Sinon, chaque fois que je
m'installerai dans un avion, je me demanderai si le prochain passager à côté de
moi, ne sera pas mon compagnon de voyage imbibé et amoral. Au secours ! Laissez-moi
descendre !
(1) Mes excuses et regrets tardifs à tous les copains que j'ai
ratatinés à la beloté en me servant de procédés indignes. Mea Culpa !
(2)
Malheureusement, la méfiance et la suspicion
sont toujours dirigées vers les mêmes, ceux qui ne font pas œuvres de rapines.
Pendant ce temps, les industriels du vol et des détournements s'en donnent à cœur
joie.
(3) Cette précision est utile pour ceux qui pourraient croire que je
ne suis pas sensible à un bon whisky, avec une étiquette plus avantageuse, mais
le vin blanc est excellent actuellement à Alger. Vous avez dit "Astaghfiroullah"?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire